Jacques Pessis: Vous avez incarné un Roi Soleil mais aussi des personnages beaucoup plus sombres mais toujours avec éclat entre la chanson, le spectacle et la comédie musicale, il est évident que demain et même après demain vous appartiennent, bonjour Emmanuel Moire.
Emmanuel Moire: Bonjour Jacques
JP: De retour avec une chanson que l’on va évoquer tout à l’heure mais aussi un parcours avec plein de succès différents, le principe des «Clefs d’une vie», c’est de les évoquer à travers des dates clés, on va le faire aujourd’hui.
Première date, le 2 novembre 2000: votre première télé c’est un reportage sur TV Le Maine où l’on vous voit dans un stage de musique vocale au Conservatoire du Mans, vous vous en souvenez? Vous faites vos gammes.
EM: Ah oui je fais mes gammes? Avec Sarah Sanders, ce n’était pas au Conservatoire du Mans, c’était un stage organisé par la ville du Mans lors d’un concours de chant et on avait la chance d’avoir une fête effectivement, une sorte de «masterclass» avec Sarah Sanders, ça c’était très important pour moi comme moment quand même parce que c’est là où j’ai rencontré celle qui est devenue ma coach vocale, ma prof de chant qui m’a vraiment tout enseigné, la technique et surtout quelle voix j’avais et que j’ignorais.
JP: Vous êtes tout timide devant elle et vous faites aussi vos gammes devant Jean-Claude Meurisse qui est un auteur compositeur qui estime que vous avez un grand talent.
EM: En tout cas ça été déclencheur, moi je travaillais avec la ville du Mans avec différentes associations mais je ne connaissais rien du tout de ce métier, je n’avais que des rêves, que de l’espoir en fait.
JP: Au Conservatoire du Mans ils ont trente et une disciplines, c’est énorme
EM: C’est énorme, j’avais la vingtaine, je ne savais pas précisément ce que je voulais faire, j’aimais l’art, j’aimais la scène, j’aimais la chanson, j’aimais la musique, j’aimais raconter des histoires mais je n’étais pas préparé à tout ce que j’ai vécu après.
JP: Le Mans, bien sûr, c’est célèbre pour ses 24 heures mais on l’appelle aussi : la ville lumière car elle a été la première à recevoir l’électricité.
EM: Ah non je ne le savais pas, ça lui va bien.
JP: Mais surtout Le Mans c’est la ville de vos jeunes années
EM: C’est surtout là où j’ai grandi, c’est là où il y a toute ma famille, c’est là où j’ai commencé aussi à travailler, j’ai toujours un attachement car c’est là d’où je viens et puis c’est là que j’ai commencé à faire mes premières armes sur scène, c’est là où on m’a enseigné le fait d’être sur scène, le fait de gérer une cinquantaine de spectacles, le rapport avec le public, le rapport en troupe, j’ai énormément travaillé avec, notamment, une association qui s’appelle «La Flambée de l’Epau» où j’ai commencé vraiment la scène avec eux et ça non je n’oublie pas non.
JP: A la maison, vos débuts où déjà enfant vous faites des spectacles
EM: C’est encore plus choupinou que ça en fait, le week-end c’était ma grand-mère qui nous gardait le samedi quand mes parents travaillaient. Avec ma grand-mère et les copains de mon quartier on faisait des spectacles le samedi pendant qu’elle nous gardait. Comme quoi j’avais déjà tout petit l’envie de me mettre en scène et de raconter des histoires, c’est assez chouette. C’était des chansons et sûrement même un peu de danse, j’embêtais mon frère pour apprendre des chorés et se mettre des déguisements avec les affaires de nos parents.
JP: Je crois que vos parents Claudine et Denis ne s’opposaient pas du tout à ce que vous fassiez ce métier là
EM: Ils ne se sont jamais opposé, ça c’est sûr, ils ne m’ont pas non plus poussé. Ils avaient quand même de la réticence en tant que parents, c’est quand même un milieu et un métier qui était très très loin de leur quotidien et je crois que cela fait toujours un peu peur mais ils ne m’ont jamais empêché, ça c’est sûr.
JP: Au départ vous auriez pu avoir un autre métier puisque vous obtenez un baccalauréat économique et social avec la mention «Bien»
EM: Oui, j’adorais apprendre, j’étais un élève assez studieux, j’étais un peu le premier de la classe, j’avais un peu ce look là d’ailleurs. J’aimais apprendre, j’avais des envies quand j’étais plus jeune de devenir prof par exemple. C’est tout bête mais j’aimais la transmission, j’aimais acquérir un savoir et le transmettre en essayant d’être le plus pédagogique et empathique.
JP: Vous avez obtenu un diplôme qui n’existe plus, le DEUG de géographie (c’est un Bac +2 qui le remplace)
EM: Oui j’ai eu un DEUG d’Histoire et Géographie.
JP: Ensuite normalement c’est l’enseignement
EM: Du coup ce n’est pas la voie que j’ai choisie, je suis parti ailleurs. Là c’était mes «années Fac», et pendant ces années là j’ai intégré le Chœur de l’Université du Maine et j’ai commencé à faire de la musique dans le pupitre Ténor et puis commencé à faire des chansons et à les accompagner au piano, un début de me focaliser sur la musique.
JP: Et vous avez appris le chant classique
EM: Exactement, je suis même entré au Conservatoire, j’y suis resté six mois, en fait j’ai adoré l’enseignement mais je me sentais un peu trop étriqué dans un carcan, un cadre qui ne m’allait pas.
J’ai adoré ce que j’ai appris en tant que technique vocale mais je sentais que mon avenir allait se dessiner un peu ailleurs.
JP: Vous parliez de la Flambée de l’Epau tout à l’heure, il y a eu aussi la Cité Chanson, le Cabaret Le Pati, vous faisiez plusieurs cabarets au Mans
EM: J’ai fait plein de choses, vraiment plein de choses, «Le Mans Cité Chanson» c’était un concours de chant d’artistes, d’auteurs, de compositeurs et d’interprètes, le Pati c’était lié à la Flambée de l’Epau, c’est un lieu qui existe toujours d’ailleurs où ils font effectivement du spectacle cabaret et j’ai fait énormément de choses avec La Flambée de l’Epau et le Pati.
JP: C’est une façon d’apprendre son métier devant un public qui ne vous écoute pas toujours
EM: Clairement et puis surtout que je pense que je n’avais pas les outils, je n’avais pas tout pour effectivement capter l’auditoire mais c’est là où j’ai appris à faire tout ça et c’est super quand il y a des gens qui croient aussi en toi et qui te donnent la possibilité de le faire. Parce que rêver dans sa chambre d’être artiste c’est super, mais là d’un coup quand tu te retrouves sur scène devant des gens c’est autre chose, il faut gérer le stress, le trac, et puis moi j’avais ma sensibilité à l’époque que je n’arrivais pas à mettre le nom dessus, c’était très complexe à gérer j’avoue.
En fait j’étais trop timide pour faire ce travail. Franchement je suis très reconnaissant de tout ce que j’ai appris avec la Flambée de l’Epau et avec toute cette discipline du cabaret qui m’a appris à faire ce travail.
JP: Et puis il y a eu un spectacle sur Jacques Brel auquel vous avez participé
EM: Déjà le répertoire de Jacques Brel est incroyable, moi j’ai grandi avec ces artistes interprètes qui pour moi sont à la limite entre un acteur et un chanteur et j’adore cela en fait.
JP: Avec «On n’oublie rien» (sortie en 1960), une particularité, c’est un magazine au Japon qui l’a publiée et c’est la première chanson publiée de Jacques Brel pour apprendre le français au Japon. Comment est né ce spectacle?
EM: En fait c’était à l’époque sur Le Mans, je travaillais beaucoup avec deux autres amis: Karim M’ribah et Nathalie Réaux qui étaient vraiment des amis proches, on s’est rencontré sur un casting, Karim avait envie de monter un spectacle sur Jacques Brel, et du coup on a fait ce spectacle ensemble, moi j’étais pianiste dans le spectacle donc je ne chantais pas du tout, à part peut-être une ou deux interventions, mais c’était Karim qui interprétait les chansons et moi je me suis occupé de faire tous les arrangements et tout le travail en tant que pianiste pour accompagner Karim.
JP: Vous avez fait aussi les arrangements d’un autre spectacle, celui d’un trio: «Les Chattes Hurlantes»
EM: Oui (rires) c’était une compagnie «Utopium Théâtre» qui faisait du spectacle de rue et avec les trois filles de cette compagnie on a monté ce spectacle où pareil, je faisais les chansons et j’étais au piano et je jouais un peu la comédie avec elles. C’était une super expérience aussi.
JP: D’autant plus que c’était un spectacle novateur, ça n’existait pas à l’époque
EM: Je ne sais pas en fait, il y avait des scénettes et des chansons, c’était comme un spectacle musical mais humoristique, c’était vraiment une grosse comédie et en plus j’ai vraiment appris le spectacle de rue avec elles, on a été le faire à Avignon, c’était des premières expériences improbables pour moi.
C’est marrant de retracer tout ça, j’ai l’impression d’avoir eu mille et une vies. Astaffort, concrètement c’est un stage d’auteur, compositeur, interprète présidé par l’Association «Voix du Sud» de Francis Cabrel. Pour moi cela a été une petite révolution. J’ai été prix aux seizièmes.
JP: On doit être sélectionné à chaque fois
EM: Exactement, il faut envoyer un dossier, tu es pris soit en tant qu’auteur, soit en tant que compositeur, soit en tant qu’interprète et moi j’ai été pris aux 16ièmes en tant qu’interprète. On passe une semaine à faire des chansons dans le but de les présenter au spectacle de fin de stage en première partie d’un artiste invité. On a des formations sur «comment écrire un texte», sur la composition et on rencontre pleins d’artistes dont Francis Cabrel qui passe la semaine avec nous.
Faut être honnête, moi à vingt ans, passer ma semaine avec Francis Cabrel et qu’on parle dans cette cour d’école à Astaffort c’était incroyable et les artistes invités étaient Jean-Jacques Goldman et Michael Jones. Donc je l’ai pris comme un signe.
Je suis rentré de ce stage et je me suis dit que c’était un vrai métier ce que je faisais vraiment et je me suis dit que ce serait le mien. En plus j’ai eu la chance pendant ce stage d’avoir fait un travail qui a raisonné auprès de l’association et j’ai été invité quelques années après pour une cession un peu «Best of» et là j’ai rencontré Yann Guillon qui est devenu le parolier avec qui je travaille depuis le début, c’est assez fou, les Rencontres d’Astaffort prennent vraiment tout leur sens.
JP: Il y a une autre date très importante dans votre parcours c’est le 22 septembre 2005: vous êtes vraiment à la hauteur avec ce Roi Soleil qui a été le point de départ de votre carrière
EM: En tout cas médiatiquement oui, c’est là où tout a explosé me concernant. C’est fou car quand on réécoute ce titre «Etre à la Hauteur de ce qu’on vous demande, de ce que les autres attendent, de surmonter sa peur, d’être à la hauteur…», pour moi au-delà de l’histoire que je racontais dans le spectacle, c’était aussi un rendez-vous avec moi, quand j’ai reçu ce titre au casting je me suis dit ça parle de moi en fait. Ce titre a raisonné tellement fort en moi que je pense que c’est peut-être cela qui a fait la différence dans le casting au-delà de chanter l’histoire de ce Roi, il fallait se projeter pour imaginer et moi j’ai raconté un truc qui me parlait tellement que j’y ai mis mes tripes même dès le début du casting.
JP: D’autant plus que ce n’était pas votre premier casting, vous aviez été refusé sur les castings de «Autant en emporte le vent», «Les mille et une nuits», et «Belles,Belles, Belles» je crois
EM: Oui et même sur «Le Graal», un spectacle de Catherine Lara une année avant «Le Roi Soleil», je n’avais pas été pris , d’ailleurs le spectacle ne s’est pas monté, il y a juste le disque qui est sorti (en décembre 2004). C’est un peu le lot du casting, je n’ai pas été pris, soit tu corresponds au personnage, soit tu ne corresponds pas. Je dis cela aujourd’hui, à l’époque je n’avais pas ce recul, donc je ne le vivais pas très très bien mais en même temps, si on regarde un peu en arrière et que l’on fait un bilan c’est plutôt chouette.
JP: Oui mais la course au casting ce n’est pas simple quand on débute
EM: Je travaillais au Mans, je travaillais vraiment beaucoup, j’étais content de toutes ces expériences que l’on a citées avant mais j’avais très envie de me confronter à ce milieu pour savoir ce que je valais, si j’avais du talent et si je pouvais me démarquer, donc effectivement mon but était d’explorer la discipline du spectacle musical, tu chantes, tu danses, tu joues, tu racontes des histoires, tu es au service d’un personnage, de la dramaturgie, ça me plaisait, voilà je faisais des castings et ça ne fonctionnait pas. On en a cité trois ou quatre mais il y en a eu une bonne dizaine, fait être honnête.
JP: On n’est pas découragé à certains moments?
EM: Si sûrement, j’ai dû l’être mais moi j’ai un rapport avec ça particulier, je pense être courageux et tenace c’est à dire que même si, pour l’instant ça ne se passe pas du tout comme je veux, je ne sais pas, il y a un truc en moi qui me pousse toujours à continuer. Je ne dis pas que je ne doute pas, qu’à un moment je suis à deux doigt d’arrêter, ça m’arrive plein de fois (rires) même encore aujourd’hui.
JP: Le casting du «Roi Soleil», je crois que vous l’avez passé avec «L’hymne à l’amour» d’Edith Piaf et «Marguerite» de Richard Cocciante
EM: Oui en fait j’ai fait ce qui pour moi me ressemblait c’est à dire des chansons à texte, des chansons pour défendre un propos avant de chanter quelque chose. Moi j’aime les mots, j’aime les émotions, j’aime être impactant même si tu le fais en chantant et donc je l’ai fait surtout avec «Marguerite» cela m’a bien aidé sur ce casting, c’est une fabuleuse chanson.
JP: Le casting est passé et donc il y a eu différentes étapes avant d’arriver à jouer le Roi Soleil
EM: Trop d’étapes! cinq, six étapes, il y a eu déjà ce casting où je suis venu, c’était au Sentier des Halles, cette petite salle en sous-sol où d’un coup j’ai chanté «Marguerite», il y avait tout le monde: Dove, Albert, Kamel, Pierre Jaconelli et tous les gens qui ont travaillé sur le spectacle après. C’était juste le chant, après il y a eu une phase en studio pour chanter les titres du Roi Soleil.
Je me souviens d’une séance studio où j’ai posé ma voix sur «Etre à la hauteur», après il y avait une étape de danse avec Kamel et de théâtre aussi sur certaines scènes du spectacle. C’était stressant de faire un casting devant des gens qui ont déjà fait des spectacles avant: j’ai vu les «Dix Com», j’étais au Palais des Sports en tant que spectateur et d’un coup je me retrouve face à tous ces gens qui m’ont fait rêver dans leur spectacle et une envie de le faire donc il y a du stress du casting parce que je n’étais pas à l’aise du tout dans ce genre d’exercice et je ne le suis pas encore non plus aujourd’hui et en même temps avec cette envie de décrocher un rôle parce que je me dis que ce serait tellement super de se retrouver avec ces gens là dans ce spectacle.
JP: On oublie aujourd’hui mais Louis XIV aimait la musique, il jouait de la guitare, il considérait que le chant était une priorité de la culture à son époque
EM: Il avait bien raison (rires)
JP: Le succès arrive, la chanson «Etre à la hauteur» sort avant le spectacle et vous êtes pris dans un tourbillon, Emmanuel Moire
EM: Alors là c’était le début et je ne savais pas à quelle sauce j’allais être mangé. En fait il y a autant de bon que de mauvais pour moi. Là c’est vraiment intime ce que je dis, je ne parle pas du tout de l’abattage médiatique et de la qualité du spectacle, on a fait tout je pense pendant trois ans, on nous a vu partout sur scène, sur tous les plateaux télés, les plateaux radios… Moi quand je dis mauvais ça n’a pas été aussi simple à gérer tout cela, cette notoriété soudaine, cette fulgurance de devoir parler de soi, j’avais une timidité que je traînais et d’un coup je devais parler de moi, de mon travail, je débutais, c’était compliqué pour moi d’intégrer tout ça, d’apprivoiser tout ça et de rester soi. Je pense que j’ai réussi mais ça s’est fait un peu avec de la douleur quand même.
JP: «Le Roi Soleil» s’est terminé à Bercy et je ne sais pas si vous le savez, Bercy, on le doit à Louis XIV car un jour il vient donner une messe à Bercy et il y a un vigneron qui ne s’agenouille pas, soi-disant, car il était trop grand et il explique: «On veut vendre notre vin à Bercy et l’on ne peut pas» et c’est comme ça que les vignerons à Bercy sont nés.
EM: Ah c’est fou, c’est chouette d’avoir terminé à Bercy!
JP: Ensuite il y a eu un premier disque et là aussi ça été un succès et c’est vrai que le succès vous a fait du bien, ce n’était pas évident avec cette chanson de rebondir avec un album après le Roi Soleil
EM: Non, c’était un exercice particulier, après c’est vrai que cela m’a permis de faire ce que j’aimais faire c’est à dire faire des chansons, écrire des chansons et sur ce premier album je ne l’ai pas fait totalement, je ne l’ai pas décidé entièrement, ce n’est pas un regret, c’est un constat car je pense que je n’avais, ni les épaules pour le faire, ni sûrement la force de caractère pour imposer quelque chose. Et puis il fallait être malin évidemment. Je pense qu’en sortant du Roi Soleil qui a été explosif, c’était compliqué de proposer quelque chose, de qui tu es, et de se démarquer de ce qu’on a projeté aussi sur toi pendant le Roi Soleil. Les gens ont aimé le Roi Soleil, mais ils ont aimé le personnage, ils ne savent pas forcément qui tu es, ils ne savent pas ce que tu as envie de partager donc il ya cette question: «Est ce que ça va leur plaire ou pas?». C’était un moment particulier, je trouve, entre le Roi Soleil et le premier album.
JP: Et c’est là où vos copains d’Astaffort ont été utiles pour travailler avec vous
EM: Complètement puisque c’est là où j’ai commencé à travailler avec Yann sur la moitié des chansons, il y a notamment un duo avec Claire Joseph («Merci») qui était aussi à Astaffort.
Enfin, mine de rien j’ai quand même réussi à imposer une partie de moi, pas entièrement mais une partie.
JP: Résultat: un disque de platine quand même
EM: C’est bien j’avoue.
JP: Vous aviez peur quand même que ça ne marche pas?
EM: Je ne sais pas si je me suis posé ces questions là à l’époque et d’ailleurs je me demande si, à chaque fois, je me pose ces questions là. Évidemment que je souhaite que mon travail raisonne dans le cœur des gens mais je suis plus focalisé sur: «Est-ce que ça me plaît ce que je fais?, Est-ce que j’ai mis de ce que j’étais à l’époque?». C’est à dire que chaque disque, c’est la même chose pour les autres, pour moi c’est une photo, c’est l’empreinte de l’homme et de l’artiste que je suis au moment où je le fais, donc il y a forcément du bon et du mauvais, il y a des points positifs et négatifs mais ça vaut au moins le fait que c’est en adéquation avec l’époque où je l’ai sorti.
JP: Il y a eu aussi un moment très fort, c’était le Festival de Sopot en Pologne (le 1er septembre 2007), vous avez remporté le prix dans la catégorie de l’interprète international
EM: C’était avec «ça me fait du bien», j’allais présenter mes chansons à un public qui ne connaît pas bien le français du coup. C’était assez fort et je me souviens de la scène qui était immense, avec une ouverture immense. Oui c’est chouette ce genre de rendez-vous.
JP: Vous étiez le deuxième français à remporter la victoire, la première c’était Simone Langlois en 1963 qui avait été la première interprète de «Sur la place» en 1958 en duo avec Jacques Brel.
Cela se passait dans les chantiers internationaux de Gdansk où Lech Walesa a créé Solidarnosc. Les polonais adorent la chanson française.
EM: Je ne savais pas ça…
JP: Ce tourbillon il faut quand même l’assumer
EM: J’avais un rapport avec la notoriété qui n’a pas été très chouette dès le départ. Aujourd’hui j’en parle avec beaucoup de bienveillance et surtout que j’ai apprivoisé ça, c’est à dire que j’ai appris à être moi, à rester aligné et à gérer tous ces trucs qui parfois me paraissaient désorientés. Je m’en suis bien sorti je trouve en fait. Ma ligne directrice était toujours de rester fidèle, de rester authentique, de rester sincère même si je sentais bien qu’au niveau de ma personnalité je n’avais pas les codes de ce métier, je n’avais pas les codes de quelqu’un de connu et j’essaye aujourd’hui de jouer le jeu mais surtout en restant à ma place.
JP: A propos de mouvement il y a une autre date importante dans votre vie: le 6 octobre 2012
EM: Ah mon Dieu, oui «Danse Avec Les Stars», c’est fou parce qu’à la base c’est une émission télé mais moi je ne l’ai pas vécue comme telle. Je l’ai vécue comme un projet artistique, comme un spectacle en fait parce que j’ai appris énormément de choses, parce qu’il y avait du challenge, parce qu’on a raconté des histoires, j’ai eu la chance d’être avec Fauve et elle, au-delà de l’aspect technique et de tout ce qu’elle devait m’enseigner en tant que danses de salon, c’était aussi: «qu’est-ce qu’on dit, qu’est-ce qu’on raconte, qu’est-ce que t’y mets de toi?». Elle m’a tellement bien accompagné, c’est à dire qu’elle m’a, peut être pas volontairement, guidé vers la meilleure façon de faire l’émission et de se livrer au fond. Elle est incroyable cette Artiste.
JP: On vous avait proposé la saison 2 et vous êtes arrivé en saison 3
EM: Je ne sais plus comment ça s’est passé mais la production de l’émission m’avait contacté l’année d’avant et j’avais décliné parce que j’étais sur le casting de Cabaret et que j’avais très envie de faire cette pièce et j’ai bien fait mais du coup c’était une question d’ordre.
J’aurais fait l’émission avant Cabaret, je ne sais si j’aurais vécu la même émission. Là je sortais de Cabaret, ce musical de Broadway, et j’ai fait DALS.
C’est difficile pour moi de résumer cette émission parce que j’y ai lâché énormément de choses, des moments clés comme le prime «Personal Story» où je danse sur la chanson «Sois tranquille» qui est pour moi un cadeau, c’était un prime où l’on devait danser sur un évènement marquant de notre vie, pour moi ce n’était pas un évènement marquant mais bouleversant et la prod me propose de danser sur mon titre, ce qui ne s’est jamais fait dans l’émission, aucun chanteur, aucun artiste n’a dansé sur sa chanson. J’ai trouvé ça très gentil de leur part, c’est un cadeau (émotions).
Avec Fauve on a dansé, on a fait quelque chose d’élégant et en même temps j’ai lâché quelque chose et je l’ai fait devant des millions de téléspectateurs et ce titre qui était inconnu est devenu un titre que les gens se sont arrachés et qu’on me demande autant que d’autres titres qui sont plus connus et qui étaient des singles et au-delà de cela je l’ai pris comme un cadeau de la vie, comme un soutien, comme du courage, j’ai reçu pleins de choses.
Ça restera le moment le plus émouvant de ma vie en télé.
JP: D’autant plus émouvant que vous évoquiez la disparition de votre frère jumeau Nicolas (le 28 janvier 2009) à travers cette chanson
EM: Oui c’est le drame de ma vie même si aujourd’hui j’ai appris à vivre avec parce que je suis quelqu’un qui a travaillé sur soi, je fais preuve de résilience quand je fais ça, mais c’était mon jumeau, donc c’était une partie de moi, c’était ma moitié. Je suis venu au monde dans le ventre de ma mère, j’étais contre quelqu’un, ça a même «drivé» ma vie. Je pense que je passe mon temps à fusionner avec quelqu’un en permanence dans ma vie privée, dans ma vie professionnelle, dans mes amitiés. C’est fou mais la disparition de mon frère m’a fait prendre conscience de ma gémellité alors qu’avant je n’en avais pas conscience puisque pour moi c’était normal de vivre comme ça et à partir du moment où on me le retire, oui, ça été un choc. J’ai fait ce qui était bon pour moi de faire pour continuer à vivre sans, même s’il est toujours là.
JP: Toutes celles et ceux qui m’ont parlé de DALS m’ont dit que c’était une épreuve physique épouvantable du lundi au samedi on travaillait
EM: Je n’ai fait que ça pendant trois mois, je ne sais pas comment font les gens qui font l’émission et qui font d’autres choses à côté. Je me suis investi et j’étais au taquet pendant toute l’émission. J’y ai tout laissé, mon corps, ma tête, mes émotions, mon cœur, j’étais rincé en sortant de l’émission. J’étais dans un état de fatigue mais ça valait le coup, c’est vrai que c’est très physique.
J’étais stressé car je voulais faire les choses bien et ce n’était pas ma discipline. C’est quand même improbable, on apprend une danse ou deux par semaine en cinq jours et le samedi qui suit on doit la faire à la télé.
JP: Et après l’émission il y a eu un clip étonnant qui a été réalisé avec Fauve Hautot sur «Beau Malheur»
EM: Le titre existait bien avant l’émission, on parlait de résilience tout à l’heure, c’est vraiment pour moi un titre qui me caractérise vraiment, au-delà des évènements que l’on vit dans la vie, c’est surtout qu’est ce qu’on en fait après, qu’est ce qu’on décide surtout, et c’est vrai qu’après tout ce qui s’était passé en sortant de DALS et pendant l’émission, j’avais envie de continuer ça. Parfois j’ai du mal à me séparer des choses et le fait de faire le clip avec Fauve (et c’était chorégraphié par Pietra), c’était une espèce de remerciement aussi par rapport à ce que je venais de vivre et par rapport aux propos du titre.
JP: Retour sur le passé, vous l’avez évoqué il y a eu cette comédie musicale «Cabaret»
EM: Une comédie musicale reconnue à New-York, à Londres aussi, un peu partout. C’était particulier parce que «Stage» (Entertainment) avait envie de refaire ce spectacle qui a été déjà joué aux Folies Bergères et ils gardaient le casting initial sauf le Emcee. Je jouais un maître de cérémonie du Kit Kat Klub dans les années 20 à la montée du nazisme. C’est un personnage particulier car il n’est pas en relation avec ses partenaires sur scène et avec les autres rôles. Il dénonce ce qui est en train de se passer pendant ces années là et il fait le lien avec le public. Donc il est parfois dans le Kit Kat Klub et parfois il est en dehors. C’est quelqu’un vraiment qui contrôle et qui montre les choses. C’est un rôle vraiment fort, moi ça été un gros travail pour jouer ce rôle et ça a aussi mis en lumière la partie de l’acteur que j’ignorais chez moi et c’est à partir de ce spectacle que je me suis dit que j’avais des choses à faire en tant qu’acteur sans forcément la musique.
JP: C’était une nouvelle mise en scène de Sam Mendes qui a mis ensuite en scène deux James Bond au cinéma et c’est vrai que ce personnage est mythique. Le Kit Kat Klub a été tellement célèbre que c’est devenu dans les années 90 une discothèque à Berlin créée par un producteur de films pornographiques autrichiens et ça a fait un tabac à Berlin
EM: (rires) C’était à l’image de ce qu’était le Kit Kat Klub à l’époque dans lequel il se déroulait des choses pour oublier ce qui était en train de se passer en dehors pendant les années 20.
Au delà du plaisir d’artiste de jouer, de danser, c’est surtout ce que racontait la pièce. Il y avait un devoir en tant qu’artiste d’éclairer, d’éveiller et de se rappeler que l’histoire nous montre qu’il s’est passé ça et que cela peut encore revenir à nos portes. Du coup moi je sentais que j’avais un devoir, il y avait autre chose et cela dépassait cet engagement d’artiste.
JP: En plus c’était une comédie musicale à Broadway inspirée de deux contes de ChristopherIsherwood qui sont au départ de Cabaret: «Sally Bowl», (qui est un personnage fictif qu’il a créé et inspiré par la chanteuse de cabaret de 19 ans Jean Ross, outrageusement maquillée, qui fume et qui boit…), et «Goodbye to Berlin» en 1939 (dont sera tiré le film Cabaret de Bob Fosse en 1972) et après il a fallu faire une comédie musicale, ce n’est pas facile, il faut être hyper précis
EM: Dans tout il faut être hyper précis, en plus franchement la mise en scène de Sam Mendes était au cordeau. C’est ce qui fait la beauté de ce spectacle, de cette pièce c’est que d’un coup tout avait du sens. Moi j’aime ces œuvres là où d’un coup dans les mots, dans la mise en scène tout a du sens. En fait c’est fort en permanence.
JP: Vous l’avez joué au Théâtre Marigny et en tournée
EM: J’ai adoré jouer à Marigny, c’est une super salle, j’ai un super souvenir à Marigny. La tournée c’était particulier car on était dans les Zéniths et il fallait recréer cet espèce de cocon qu’il y avait à Marigny et que l’on avait pas forcément dans les Zéniths.
JP: Et puis ensuite il y a eu une autre chanson qui a marqué votre carrière Emmanuel Moire: «La Promesse». Vous passez d’un style à un autre, d’une comédie musicale à une autre, ce n’est pas facile
EM: C’est ce que j’aime, moi ça me plaît cet exercice là. Je ne me force pas à faire un grand écart entre une comédie musicale et une chanson qui parle d’homosexualité. Pour moi c’est normal, c’est ce que j’aime, je n’ai pas envie de me mettre dans des cases et de rester à un endroit parce que d’un coup c’est ce qu’on attend de moi. C’est chouette de donner ce qu’on attend de moi, c’est chouette aussi de donner plus et de surprendre et surtout je pense que quand on est authentique et que la démarche reste sincère, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de danger pour moi.
JP: Cette chanson a failli être sélectionnée pour la 64ième édition de l’Eurovision en 2019 à Tel Aviv (elle était parmi les huit chansons finalistes de l’émission «Destination Eurovision»)
EM: Et oui mais ça n’a pas marché (rires) mais c’est quand même une belle aventure. Au delà de ça je l’ai présentée à une émission qui était déjà une présélection pour savoir qui allait faire ou pas l’Eurovision. Je ne sais pas si c’était bien ou pas de le faire moi j’étais content parce que je présentais cette chanson qui est une chanson importante. Je pense que dans une vie artistique comme dans une vie d’homme ce qui doit se faire se fait. Si cela ne s’est pas fait c’est que cela ne devait pas se faire. C’est un peu ma philosophie par rapport aux choses.
JP: Il y a un autre moment émouvant (sur la scène du Zénith de Paris le 8 février 2013 à l’occasion de la 28ième édition des Victoires de la Musique), c’est une sorte de passation de pouvoir ce duo avec Sheila et sa chanson «Bang-bang» (titre du film qu’elle a tourné en 1966 avec Guy Lux et dans lequel elle était détective)
EM: C’était émouvant surtout que parfois on oublie des artistes qui ont marqué leur époque et leur génération, je trouve que c’est chouette de bénéficier de ce qu’ils ont à nous enseigner même si le mouvement et ces milieux là changent en permanence. Je suis toujours reconnaissant des gens qui, à un moment, ont brillé par leur talent et par ce qu’ils ont transmis.
JP: Le retour enfin le 12 avril 2024 avec une nouvelle chanson: «Sois un Homme», que l’on attendait depuis quelque temps quand même
EM: C’est joliment dit, ça faisait un petit moment que je n’avais pas présenté de chanson. Il y a eu plusieurs raisons à ça: il y a eu les «années Covid» qui ont mis à l’arrêt plein de gens. Moi j’ai toujours besoin de prendre le temps entre chaque disque pour me nourrir, pour vivre, pour avoir des nouvelles choses à raconter. Le disque c’est raconter mes histoires, ce qui me touche, ce qui me plaît, ce qui me révolte, ce que je vis, ce que je vois… Il faut vivre pour raconter tout ça et c’est vrai que souvent je prends le temps, là ça été long, trop long peut-être.
JP: Et pourquoi?
EM: Un ensemble de choses, j’avais envie de faire autre chose, c’est vrai qu’après la dernière tournée «Odyssée» j’avais envie de jouer, on parlait de Cabaret tout à l’heure, j’avais envie d’être confronté à d’autres choses. Je suis sorti de la dernière tournée en me disant que j’avais envie de me former, de retourner à l’école, c’est peut-être curieux à quarante ans et donc j’ai fait une formation d’acteur qui m’a fait du bien de travailler sur autre chose. J’ai fait du plateau pendant deux ans avec des partenaires super, je me suis outillé en tant qu’acteur.
JP: «Sois un Homme», on connaît l’expression «Tu sera un homme mon fils», (adapté en français par André Maurois en 1918 en alexandrins d’après le poème de Rudyard Kipling «If» publié en 1910) qui est le plus étudié aujourd’hui dans les écoles dans le monde.
Est-ce que c’est l’inspiration de ce genre ou autre chose?
EM: Ça été l’une des inspirations et après, avec Yann, qui a écrit le texte on a beaucoup parlé, on parle beaucoup avant de faire une chanson, on se charge de pleins de choses. En fait nos échanges sont nourris et ils nourrissent les chansons. J’ai beaucoup parlé de ça, de l’identité masculine, de la place de l’homme aujourd’hui, de ce que nous on a véhiculé, lui comme moi, en tant qu’hommes et de «On a hérité de quoi, est ce que c’est vrai, est ce que ça nous va comme costume? Et si ça nous va pas qu’est ce que l’on peut faire par rapport à ça?». Ce sont des échanges et moi je sais que par rapport à cette identité masculine il a fallu que j’affirme pleins de choses et je me suis dit que ça serait bien que je prenne la parole sur ce sujet de façon apaisée. Ce n’est pas quelqu’un qui règle ses comptes. C’est un constat de tout ce que j’ai traversé et après c’est «Qu’est ce que j’en fais et qu’est ce que je décide?».
JP: Surtout qu’aujourd’hui on parle beaucoup de l’identité féminine, l’identité masculine n’est pas très souvent présente dans les chansons
EM: Ce n’est pas présent alors que je pense que c’est tout aussi important de travailler dessus et de se poser la question. Je pense que la place de la femme ne peut pas changer si on ne remet pas en question la place de l’homme non plus. En tout cas, comment on construit un homme, comment on éduque un garçon? Par exemple, et je rentre dans des détails, moi j’ai entendu quinze mille fois que les émotions: «un homme ému, non, un homme ça ne pleure pas… C’est complètement «bateau», mais qui ne l’a pas entendu?.
C’était compliqué pour moi , parce que je suis sensible, j’aime être ému et cela ne me dérange pas de le montrer. Je ne me suis pas lâché car je sentais que dans mes pensées ou mon comportement il y avait des choses qui ne m’appartenaient pas (rires), j’ai travaillé sur moi, j’ai fait une grosse, vraie thérapie avec un thérapeute formidable, je ne le connais pas autant qu’il me connaît. Je suis très reconnaissant de tout ce que j’ai fait avec lui parce que ça m’a permis de faire le ménage notamment sur ces questions là et ce que j’ai fait c’est de les rendre à ces personnes là afin de me foutre la paix sur pleins de trucs qui ne m’allaient pas.
JP: Il y a pleins d’idées précises dans chaque couplet sur la société et sur la place de l’homme
EM: Oui c’est l’exercice particulier de la chanson, je trouve, c’est à dire d’exprimer une pensée en trois minutes. C’est quand même un gros exercice. Faire un essai sur l’identité masculine, tu as cent cinquante, deux cent pages, tu as le temps d’exprimer énormément d’idées et de pensées.
Sur une chanson il faut savoir les résumer. Pour moi une chanson c’est une idée, évidemment j’avais envie d’écrire pleins de choses aussi, il fallait être vraiment focus sur une idée principale.
Du coup ce rapport avec ces choses que l’on reçoit face à ce que l’on reçoit, qu’est ce que l’on décide surtout et moi c’est cela qui est le plus important.
Peut-être que c’est la maturité, c’est l’age, le travail aussi sur soi qui fait qu’à un moment quand d’un coup des choses ne te vont pas, tu as aussi la possibilité d’affirmer ce que tu veux mettre en avant: pour moi c’est l’authenticité, la sincérité, c’est d’être en adéquation avec l’homme que tu es et moi aujourd’hui ça me plaît d’assumer ma vulnérabilité, ma sensibilité et en même temps ça me rend fort et puissant. Il n’y a rien de plus beau que d’assumer cette part de chaos, cette part de lumière en toi et que ça soit ok. Moi je n’ai rien à cacher là dessus et je me sens fort en faisant ça.
JP: Le rythme de la chanson est résolument pop
EM: C’est à dire que si on soulignait le côté difficile à faire, parce que c’est difficile à faire, je le dis aujourd’hui avec le sourire. Si on allait vers quelque chose de plus lent ou d’un peu plus mélancolique je pense que cela n’aiderait pas le propos. Je trouve que c’est bien d’avoir une chanson au contraire qui avance et qui est lumineuse, qui se construit et qui, dans la musique, donne envie d’ouvrir les bras. Cela mobilise ce qu’il faut faire c’est à dire de s’ouvrir à soi, pas du tout ce qu’on entend et ce qu’on écoute. Le côté pop et le côté un peu dansant de la chanson aide à ça je trouve.
JP: C’est un gros travail de composer et vous n’êtes pas le seul à dire cela, notamment Jean-Jacques Goldman qui vous a écrit «Des mots à offrir»
EM: En fait on en parle pas assez, c’est difficile d’écrire une chanson, résumer une pensée, le faire en trois minutes pour être sincère, pour que ça sonne et que ça ait du sens, ce n’est quand même pas simple. Je travaillais sur l’album précédent, j’avais cette mélodie là et j’avais un rêve enfoui d’enfant, de travailler avec Jean-Jacques Goldman que j’avais rencontré pendant les Enfoirés mais je sais qu’il ne travaille pas avec tout le monde et qu’il y a pleins de facteurs qui font que ça se fait ou pas. J’ai pris mon courage, j’ai envoyé un mail avec: «je pense à toi sur cette chanson, est ce que ça te dirait d’écrire le texte?» et deux, trois jours après il me répond qu’il adorait la musique et qu’il allait prendre le temps d’écrire dessus. C’était déjà une petite joie, enfin une grosse joie mais la joie ultime c’est quand j’ai reçu le texte. Et ce que je trouve fabuleux chez Jean-Jacques Goldman c’est que l’on se connaît un petit peu, on ne se connaît pas non plus tant que ça, je me demande comment il arrive à chaque fois à écrire, j’ai l’impression que je l’ai écrit, ce n’est pas prendre son talent mais ça me parlait tellement ce qu’il a écrit que je me dis que c’est fabuleux qu’un artiste se mette à chaque fois dans la peau de l’artiste avec qui il travaille. Moi j’ai une profonde admiration et elle sera éternelle d’ailleurs.
JP: Aujourd’hui Emmanuel Moire vous vous mettez dans la peau de quelqu’un d’autre, un professeur de français, «Demain nous appartient» depuis septembre 2021, c’est encore une autre aventure
EM: C’était mon envie de jouer aussi, en fait je sortais de ma formation d’acteur et dix jours après j’ai la production de TF1 qui me propose de passer un casting pour un rôle pour cette série. Je n’avais pas forcément prévu d’aller jouer dans une quotidienne, j’avais envie c’est sûr de faire de la fiction, d’incarner des personnages, de raconter les histoires des autres mais pas forcément sur une quotidienne et je me suis dit que ce serait dommage de ne pas y aller. Je passe le casting et ça ne fonctionne pas car je ne suis pas «assez» le rôle pour eux mais ils ont aimé mon casting et du coup ils me rappellent quelques semaines après pour me proposer un nouveau personnage à créer. Ils ont un nouveau décor, un nouveau lycée, ils me proposent le rôle d’un professeur de français: François Lehaut. Moi je trouve cela super parce que j’adore les mots, parce que j’adore la transmission, parce que je trouve que le devoir d’un prof, certes, c’est de transmettre un savoir mais surtout d’avoir la pédagogie, l’empathie auprès des élèves pour essayer de les faire penser par eux-mêmes et donc ça me passionne. Moi qui voulait être professeur quand j’étais plus petit, je me suis dit que cela allait être sympa de jouer le prof. Cela n’a pas été simple dès le départ, je savais construire un personnage mais je n’avais pas du tout l’expérience du plateau. Il a fallu intégrer l’énergie d’un plateau, le rythme d’une quotidienne, il faut tourner très vite ce que tu as à jouer et moi je suis un diesel, j’ai besoin de prendre du temps sur la mise en scène et je n’avais pas le temps.
Cela fait trois ans que je suis avec eux, j’ai réussi à trouver ma manière de travailler à ce en quoi je crois et à intégrer le rythme d’une quotidienne. C’est très récent car cela fait une bonne année que je prends énormément de plaisir à jouer. Ça se passe à Sète et en fonction du personnage je peux tourner beaucoup. L’année dernière j’ai joué une palette d’émotions et de situations improbables pour un seul personnage. Je suis très reconnaissant de tout ce que j’ai appris avec DNA.
JP: Est-ce que vous savez Emmanuel Moire qui est à l’origine de la ville de Sète?
EM: Pas du tout
JP: Et bien c’est Louis XIV
EM: Mais c’est fou, non là tu l’inventes!
JP: Paul Riquet cherchait un débouché sur la mer Méditerranée pour le Canal du Midi dont il avait entrepris le creusement. Louis XIV avait chargé son ministre Colbert de trouver une rade pour les galères royales afin d’y créer un port d’exportation des produits du Languedoc. Colbert confia cette tâche au Chevalier de Clerville qui identifia le Cap de Sète comme le site le plus approprié pour la création d’un port.
EM: C’est incroyable ce lien avec Louis XIV (tu vois je suis la réincarnation de Louis XIV (rires).
JP: Je souhaite que ce soit un soleil pour vous dans les mois à venir avec cette chanson
EM: Merci beaucoup, cette chanson est le point de départ d’un album en préparation, à l’image de ce qui va être véhiculé, c’est à dire une acceptation de soi, d’un lâcher prise et d’une affirmation de la personne que l’on est. Moi qui ai passé du temps à m’améliorer et à chercher la meilleure version de moi-même avec cette quête de sens en fait. C’est un album qui est beaucoup plus libérateur.
Je suis très content de revenir avec ce nouveau disque.
On verra ce qui va se passer.
JP: On attend la suite Emmanuel Moire
EM: Je vais tourner un petit peu moins car je suis en train de continuer à terminer ce disque qui arrivera sûrement en fin d’année et je travaille sur la tournée prévue en 2025.
JP: C’est tout le bonheur que l’on vous souhaite, continuez ainsi, soyez un Roi dans votre domaine.
EM: Merci beaucoup, je vais garder ça mais je ne vais pas le dire.