Auteur, compositeur, interprète, arrangeur, musicien, UssaR a sorti son premier EP le 16 juillet dernier. Ce disque est né de toutes ses influences musicales entre la chanson française à texte, l’urbain et la synth pop et de ses différentes collaborations avec Youssoupha, Kery James, Charlelie Couture, entre autres. Son nom est un clin d’oeil au « Hussard sur le toit » de Jean Giono et aussi à quelque chose de très intime, un soldat intérieur qui mène sa propre guerre des sentiments. Sa voix envoutante, grave, troublante, posée entre parlé et chanté sur son instrument de prédilection, le piano, qui est très présent dans tout l’EP.

Pour EM Famille, UssaR a très spontanément accepté de répondre à quelques questions:

Merci Jean Louis, c’est toujours un plaisir de parler de son travail ! 

Partons à la découverte des 6 titres de ton EP, le ton est donné avec « Loin », un titre sombre, teinté de piano, de synthés, de boucles, d’un beat pesant et « agressif » et de cordes très expressives, finalement une carte de visite de ton univers hybride entre chanson et rap urbain?

UssaR: Loin, c’est une ballade sur l’échangeur porte de Bagnolet à 2h du mat, si le morceau a ces influences chanson, rap, abstract et électronique c’est que nos vies urbaines ressemblent à ca, il me semble.

– Je crois savoir que ce titre a été écrit pendant le confinement et ton texte et la musique qui font corps, traduisent bien la sensation de vide, de solitude, d’enfermement à Paris, de routine et cette envie d’ailleurs: « ici j’étouffe dans ce décor, … , encore, encore, ça pue le vide, loin, loin, loin, ici les scores sont restés nuls ». Finalement ce confinement a été propice à l’inspiration pour toi malgré la privation évidente de liberté?

UssaR: Le confinement a été très compliqué pour nous tous. A titre personnel, j’en ai profité pour poser ma voix un peu plus, la descendre, la maitriser. Cependant, j’ai tendance à penser qu’il faut vivre des choses pour écrire et imaginer. Cette immobilité forcée a été complexe à gérer pour l’inspiration. J’écris souvent dans le mouvement, sur la route ou en marchant. LOIN est aussi un constat d’impuissance face à ce manque d’inspiration : « ça pue le vide “ 

– Ecris-tu la musique à partir d’un texte ou le texte d’abord avec une base rythmique ou un beat?

UssaR: Je n’ai pas de recette ni de process prédéfini clairement. Parfois une phrase, une accroche me tourne dans la tête et je mets ca en musique au piano. Parfois un beat, une texture de synths ou de sample me donnent des couleurs et des ambiances sur lesquelles je dois écrire. C’est alors quelque chose de très cinématographique. Je vois le film, avec ses personnages et ses décors, je dois le décrire.

– Le fait d’avoir travaillé avec de grands MC comme Youssoupha et Kery James (que j’ai eu la chance d’interviewer longuement) en tant que producteur, musicien ou arrangeur t-a t-il donné l’envie, le déclic pour t’exprimer à travers des mots par la suite? très jeune tu avais déjà comme instrument le piano… aimais-tu à l’époque t’exprimer à travers l’écriture?

UssaR: J’ai surtout travaillé avec Kery, depuis son premier Bercy 2013. Kery est une école à lui tout seul. Le fond, la forme, l’amour du texte et de son incarnation puissante. Ca donne une simple mais essentielle leçon : rien ne doit être anodin. Meme dans la légèreté d’un texte ou d’une mélodie, rien ne doit être gratuit. J’ai commencé à écrire jeune, mais étrangement, c’était une activité très cloisonnée avec le piano. J’écrivais des textes, des poésies avec des formats plutôt classiques. Mais écrire c’est déjà un peu composer de la musique il me semble. 

– Avec « LA VIOLENCE » tu nous entraines dans un morceau tribal et entêtant, une sorte de vision métaphorique de la violence, de la colère qui se trouve partout autour de nous, et aussi la révolte que l’on peut ressentir au plus profond de nous. La voix de Léonie Pernet vient en superposition de ta voix pour mettre en relief, en raisonnance certains mots clés du texte: « plantée sur mon palier, la violence, la violence ne demande qu’à entrer, impatience, impatience si belle et maquillée d’innocence, je la matte fasciné, et elle danse, et elle danse.  Peux tu développer un peu ?

UssaR: « La violence » c’est un « constat amer »( désolé Kery 😉 ). Pour moi, c’est un modeste écho au poème Destruction de Baudelaire :  « sans cesse à mes cotés s’agite le démon, il nage autour de moi comme un air impalpable, je l’avale et le sens qui brule mon poumon et l’emplit d’un désir éternel et coupable (…)”
Notre rapport de fascination à la Violence et  ces images dont on est abreuvé bien que parfois nécessaires teintent nos vies jusque dans nos rapport amoureux. Je ne voulais pas qu’on puisse « genrer » celle-ci. Elle n’appartient exclusivement à aucun sexe. C’était très important pour moi que cela soit une voix double, féminin-masculin qui chante ce texte.

« Dehors », une histoire vraie ou imaginaire d’un amour qui se meurt, quand l’un s’éloigne de l’autre en silence? Finalement c’est un thème universel que chacune ou chacun d’entre nous peut s’approprier? C’est un titre vraiment très touchant, ressenti comme un souffle musical poétique et doux malgré la douleur que l’on peut ressentir après une rupture, surtout pour celle ou celui qui reste. 

« Dors, dehors les gens parlent tout bas, Trésor je sors dehors, surtout ne m’attends pas. J’ai besoin de vivre loin de toi, j’ai besoin de vivre loin… J’y pense encore mais dehors ton odeur s’effacera… « 


UssaR: J’ai écrit et composé « Dehors » en une journée, comme une évidence. J’avais besoin de cette douceur et de cette apaisement. Meme dans la rupture, la bienveillance et la tendresse ne disparaissent pas toujours. Je pense par exemple à la « chanson d’hélène “ qui porte aussi ce sentiment, une sorte de résignation tendre face à la perte de l’autre. Le texte décrit aussi l’ambivalence des sentiments. Entre être « dehors » et être « dedans” entre « remonter les draps” et « remonter” ces escaliers. 

« Pensées Rocher », peux-tu me parler un peu de ce titre, du texte, de ces parallèles et de ces allusions « second degré » au carré de chocolat (Rocher) et de ce petit Poucet sans zigzag?

UssaR: J’aime bien garder un certain mystère sur ce morceau. Il a une thématique assez précise dans ma tête et je laisse à chacun le soin de l’envisager. Mais sur le plan de l’écriture meme, il y a un jeu avec “ l’écriture automatique” des surréalistes. Se bousculent beaucoup d’images sur la mer ( les rochers, les vagues, la mousse, etc .. ), les contes ( petit poucet, Hansel et Graetel pour la « maison sucrée », etc.. et les métaux et pierres précieuses (or, metal, opal etc. ). Cette confusion fait corps avec l’état du narrateur.

– « Antilles Normandie » , tu nous invites dans une rêverie entre la mer des Caraïbes, la Manche et l’Océan Atlantique? Une envie d’évasion au soleil? un clin d’œil à ta Normandie natale?

« Moi je parie qu’ (Il parait qu’à) Fort de France les orages sont en avancent, que les mers se couvrent de gris, que les oiseaux sont surpris, Moi je passe mon dimanche sur une plage de la Manche où y’a que les mouettes qui rient à contre-cœur sous la pluie. A Antilles Normandie, cidre, cyclone, parapluie, A Antilles Normandie, rêve de soleil infini… Moi je l’aime mon errance sous les nuages de mon enfance, aux souvenirs se mêlent l’oubli, comme une carte que l’on replie… »

UssaR: C’est surement le morceau le plus pop de l’EP. C’est voulu car c’est effectivement une référence à mon enfance et à ses rêveries. on est entre les brumes normandes et les rythmes maloyas. L’improbable mélange m’amuse beaucoup… comme un môme ;).

« 6 Milliards » est ma chanson coup de cœur, des mots simples pour cette chanson d’amour très touchante. 

« On est six milliards sur la terre et je ne pense qu’à toi, mon amour, la lumière suit le bruit de tes pas, mon corps est un enfer si il ne t’abrite pas, et les femmes m’indiffèrent jusque sous mes draps…

– Comment est né ce titre? 

UssaR: « 6 milliards » est un titre auquel je tiens beaucoup. Il est né sur le piano de mon appart de manière très limpide et simple (dans un premier temps). J’ai tout de suite eu cette phrase « on est 6 milliards sur la terre et je ne pense qu’a toi”. Il m’a fallu du temps pour écrire le troisième couplet, plus apaisé, porteur d’espoir. On a tous ressenti ça, parfois, on continue de vivre ça des années. Le titre porte aussi un rapport au Sacré  (la foi, l’enfer, la lumière, le Pater etc… ). De ces religions personnelles qu’on érige parfois à l’autre. 

Quel est ton regard sur le monde d’aujourd’hui?

UssaR: Comme beaucoup, très pessimiste, très préoccupant. Nos sociétés s’enfoncent dans un nombrilisme et un règne de l’opinion difficilement compatibles avec les grands enjeux sociaux et écologiques que notre temps doit affronter.

– Quels sont les thèmes que tu aimerais aborder ?

– je pense quoi ne parle souvent bien que de soit. Aussi, en touchant à l’intime, et à sa sincérité on parvient parfois à faire écho chez les autres. Parler d’Amour beaucoup encore je pense.

Avant cet EP il y a eu le projet Yachting Club, ton tout premier projet solo? pourrais tu nous en parler ainsi que des titres qui en faisaient partie?

 https://soundcloud.com/yxchtxng-clxb


UssaR: Ce projet porte beaucoup de ce que UssaR est. Beaucoup de travail sur les boucles, les textures et amour des mélodies, des thèmes. J’en suis très fier et l’écoute régulièrement. C’est aussi ma première collaboration avec Arthur Simonini qui a arrangé et joué les cordes sur L’EP de UssaR.

– Le titre « Bidon Vie » est né comment?

UssaR: Comme beaucoup d’autres au piano, c’est un regard désabusé mais sans jugement sur ces personnes qu’on croise dans le métro au supermarché. Ce sont des croquis, une galerie de personnages.

Un premier album est-il prévu?

UssaR: L’album ce n’est pas pour tout de suite je pense, mais de encore nouveaux morceaux, ça c’est certains, ils sont là ils n’attendent que le moment propice. Retrouver la scène très vite j’espère, c’est là ou je me sens le mieux depuis toujours, cette période de disette est complexe pour nous tous.

– Qu’as-tu envie de proposer sur scène au niveau habillage visuel de tes chansons?

UssaR: Je suis seul sur scène. J’espère pouvoir proposer le plus beau concert possible même assis, même masqué. L’idée sera d’emmener le public dans cet univers singulier que j’imagine, entre ville et mer, entre les ors et le béton. Beaucoup reste à construire mais je suis assez perfectionniste, je proposerai quelque chose qui me correspond.

Si tu avais quelques chansons françaises à revisiter lesquelles choisirais-tu?

UssaR: J’ai un grand amour et respect pour Renaud, j’aime beaucoup jouer « Mimi l’ennui », peut être un jour sur scène 😉

Quels sont les Artistes européens et anglophones qui te font vibrer ?

UssaR: La liste est très longue, aussi si je dois me limiter a des artistes récents ou actifs je citerais :- Aphex Twin pour son incroyable liberté et créativité – James Blake pour la mélancolie et son coté hybride.- Billie Eillish .. parce que bon.. c’est tellement bien et imparable – Flying Lotus est une source d’inspiration constante pour moi- Flavien Berger, la sensibilité et le « home made “- Damso, l’homme a une science mélodique incroyable et un univers unique qu’il contre balance d’un morceau à l’autre. y’en a beaucoup beaucoup d’autres mais on va faire court  😉 

Je te remercie infiniment d’avoir accepté de partager ce moment avec moi.

UssaR: Merci beaucoup pour ton écoute attentive et tes questions pertinentes. j’espère à très vite !